Pour une bibliographie des textes anonymes du XVIe siècle (avec un aperçu sur les ressources informatiques italiennes)
par Chiara LASTRAIOLI (Tours, Centre de la Renaissance ; lastr2@aol.com ou chiara.lastraioli@uhb.fr).



PREMIERE PARTIE : Pour une bibliographie des textes anonymes du XVIe siècle

Dans le cadre de mes recherches sur la diffusion du modèle polémique italien de la pasquinade en France et dans le monde germanique au XVIe siècle, je me suis servie à plusieurs reprises de ressources informatiques diverses, (telles que les catalogues on-line, les bases de données, les répertoires biographiques, etc.) dans une finalité bibliographique. J’ai pu ainsi constater directement les atouts et les limites de ces nouveaux outils de travail, du moins en l’état actuel de leur développement, et tester leur application réelle pour l’établissement d’une bibliographie "minimale". Les résultats, disons-le d’emblée, ne sont pas toujours sûrs et réconfortants et c’est ici l’utilisateur qui parle.

Il faut dire, par ailleurs, que l’objet même de mes recherches pose des difficultés objectives spécifiques, qui relèvent de la fabrication matérielle du texte, de sa diffusion parfois semi-clandestine, de son format typographique et du type de circulation dans les différents pays. Il s’agit de textes anonymes en plusieurs langues (italien, latin, français, allemand, etc.), à l’existence trop souvent éphemère, produits dans plusieurs pays, parfois attribués par certains catalogues à des auteurs différents, et qui, dans la plupart des cas, ne comportent aucune mention typographique, relative au lieu d’édition ou à l’imprimeur. L’objet de mes recherches est donc particulièrement redoutable et fuyant, même en appliquant des critères de recherche bibliographique "classique", basée sur les usuels les plus connus et les catalogues et bibliographies sur papier.

Mais voyons rapidement quels sont les avantages de l’utilisation de ces nouvelles ressources informatiques. Il faut tout d’abord remarquer que si dans les catalogues et les bibliographies traditionnels il fallait savoir à l’avance exactement quoi chercher et où chercher, avec l’interrogation par mot-clés de certains catalogues collectifs qui rassemblent les fonds de plusieurs bibliothèques universitaires ou régionales, il peut arriver de faire de vraies découvertes. Un exemple vaut parfois mieux que mille explications: je cherchais à repérer sur plusieurs bases de données et catalogues (surtout allemands) un exemplaire d’un rarissime libelle romain du début du siècle, de Carmina apposita Grillo Monoculo ad Pasquillum MDXXVI, dont je connaissais l’existence à la Bibliothèque nationale de Madrid grâce à la transcription manuscrite d’un bibliothécaire romain du siècle dernier. J’ai fait ma recherche par mot-clé, en tapant un paresseux "Grill" au lieu du titre en entier, et, "malheureusement", je ne suis pas tombée sur l’édition en question, mais sur une autre plaquette, pratiquement inconnue, portant le titre Carmina apposita Grillis. Cette édition, conservée à la bibliothèque universitaire de Münich, est reliée avec d’autres libelles de la fin du XVIe et du début du XVIIe; le recueil a appartenu à un jésuite de la confrérie de Biburg, dont la bibliothèque a été incorporée à celle de Münich à la fin du XVIIIe siècle. Jamais je n’aurais pu avoir connaissance de cet unicum, sans bouger de chez moi.

Naturellement, les découvertes de cette sorte sont plus probables dans les catalogues qui réunissent plusieurs bibliothèques "mineures" que dans ceux des grandes bibliothèques nationales, dont les fonds sont connus depuis longtemps grâce aux catalogues sur papier ou sur cd-rom.

Mais l’usage de ce type de ressources peut aussi se révéler utile pour l’établissement d’une bibliographie critique: des bases comme celle de l’Association IRIS de Florence (http://www.iris.firenze.it/home_i.htm), qui rassemble les catalogues des bibliothèques de l’Istituto Nazionale di Studi sul Rinascimento, de la Villa i Tatti, de la Fondazione "Roberto Longhi", etc. possèdent des fiches détaillées qui permettent de retrouver des articles parus dans des volumes de mélanges ou dans des ouvrages collectifs du début du siècle, ces articles ayant échappé au catalogage dans les bibliographies sur cd-rom les plus communes. Grâce au catalogue IRIS on peut aussi accéder à celui de la photothèque de la Biblioteca Berenson de Villa i Tatti, une "antenne" de l’université de Harvard, ce qui aiguisera l’appétit des iconologues.

Les recherches sur les catalogues on-line des consortium et des bibliothèques nationales m’ont parfois donné un aperçu des itinéraires de diffusion de certaines éditions, ainsi que de quelques données quantitatives, bien qu’il soit très difficile de remonter avec certitude, à quatre siècles d’intervalle, à la consistence des tirages. Quant aux propriétaires des libelles polémiques, dont la possession pouvait se revéler dangereuse, ce sont surtout les fiches très détaillées des catalogues des libraires qui peuvent nous venir en aide. Le professeur Simonin m’a gentiment signalé un exemplaire du Pasquillus ecstaticus de Celio Secondo Curione ayant appartenu à Jacques-Auguste de Thou, figurant dans le catalogue on-line du libraire londonien A. Sokol et j’ai moi-même repéré l’exemplaire du cardinal de Richelieu des Pompe funebri di tutte le nationi del mondo de Francesco Perucci, dans le cadre de mes recherches sur la fortune des oeuvres de Porcacchi.

À l’évidence, l'utilisation de ces instruments comporte beaucoup d’autres avantages que je n’ai pas le temps de détailler ici, surtout du point de vue de la rapidité de repérage d'une information bibliographique, mais il présente aussi quelques inconvénients. Comme pour les anciens catalogues sur papier, les catalogues on-line des différents pays posent de nombreux problèmes d'uniformité dans la description bibliographique (non seulement d'un pays à l'autre, mais aussi d'une bibliothèque à l'autre dans un même pays) et surtout pour les fonds anciens. Ainsi, il peut arriver de trouver une description identique pour des ouvrages ayant le même contenu littéraire, mais paru en deux versions différentes, ou, au contraire - et c'est le cas le plus courant - des descriptions diverses pour la même édition. Essayez de comprendre, par exemple, sur la base de plusieurs catalogues nationaux ou régionaux, combien d'éditions du Pasquillus ecstaticus de Curione ont été imprimées au XVIe siècle ou combien de versions en italien du même texte sont aujourd'hui disponibles. J'en ai fait l'expérience, le nombre est invraisemblablement élevé; pour le réduire à des dimensions réalistes il faut contrôler chaque exemplaire...., ce qui prend du temps.

Si l'on répète l'exercice sur les éditions des pamphlets anonymes qui portent le titre de Pasquillus, sans d'autres renseignements typographiques, le résultat donne envie de changer de domaine de recherche, pour s'adonner à la pure spéculation sur l'absurde en bibliographie: pourquoi, par exemple, le VD16 mentionne l’in-4° Pasquillus, der halbe Poet vom Krieg, so Kaiser Carl der fünfft, sampt dem Bapst, wider Teuetschland, inn Religion sachen, zu fueren, fuergenommen. Auß dem Latein in Teütsch Tranßferieret, [Augsburg, Philipp Ulhart der Aeltere, 1546 env.], en renvoyant à un exemplaire conservé à la Herzog August Bibliothek de Wolfenbüttel, tandis que le catalogue on-line de cette bibliothèque décrit son exemplaire comme un in-8°? Et pourquoi le catalogue national des Cinquecentine italiane ne fournit-il qu’une fiche pour les deux éditions des Carmina apposita Pasquillo 1512?

Si la méfiance des chercheurs à l’égard de ces nouvelles ressources persiste, elle s'explique par la hâte avec laquelle se sont faites les conversions rétrospectives de certains catalogues dans les différents pays, pour ne pas parler des difficultés concernant l'harmonisation des critères de transcription des titres (majuscules, caractères accentués ou spéciaux, ponctuation, signes typographiques, etc.), de l'absence d’empreintes ou encore de la présence de certaines incongruités relatives à l'identification du format.

Les livres anciens posent des problèmes spécifiques et la rédaction des fiches bibliographiques doit en tenir compte. Autrement, l'immense quantité d'informations des catalogues on-line et des bases de données resteront tout simplement indicatives et, quelquefois, scientifiquement inutilisables.

Dans cette phase encore incertaine de l'expansion de ces outils de travail, les chercheurs ne peuvent certainement plus négliger ces ressources, mais il est nécessaire d’apporter continuellement des correctifs aux informations obtenues grâce à des contrôles croisés et - bien sûr - directement sur les livres. L'autre méthode est bien connue : avoir recours aux amis de toujours habitant à Münich, Cambridge, Bâle, etc., et leur demander de contrôler l'exemplaire conservé dans leur ville, en les assurant d’une reconnaissance perpétuelle.


DEUXIEME PARTIE : Aperçu des ressources informatiques italiennes consacrées aux livres anciens


Venons-en à la deuxième partie de cette communication, qui propose un aperçu rapide des ressources informatiques italiennes consacrées aux livres anciens. Tous les bibliothécaires présents connaissent sûrement l’ICCU, l’Istituto Centrale per il Catalogo Unico des bibliothèques italiennes. Cet institut préside à la réalisation du service bibliothécaire national (SBN), qui consiste en un réseau de grandes et petites bibliothèques, publiques ou privées, dont les catalogues respectifs sont déjà informatisés et accessibles via OPAC ou Telnet [http://www.iccu.sbn.it/sbn.htm]. Le projet de catalogue national concerne les livres modernes comme les livres anciens et les sources musicales. Ce même institut est chargé du recensement des éditions italiennes du XVIe siècle, en cours de réalisation, et que je mentionnais plus haut, ainsi que de la gestion d’une base de données d’environ 900 manuscrits. Vous trouverez le lien permettant d’accéder aux différents catalogues, ainsi qu’au catalogue "cumulatif", à la page d’accueil du site de l’ICCU. Le site web de l’AIB [http://www.aib.it], c’est-à-dire l’association italienne des bibliothèques, propose aussi une carte très claire des catalogues italiens, OPAC ou non.

Deux des photocopies mises à votre disposition reproduisent des fiches du catalogue des livres anciens de l’ICCU, pour lequelles on a préféré le format SATRS au lieu du traditionnel ISBD. Ces fiches, qui ont été pensées pour la description des livres anciens, comportent des champs pour les empreintes et les annotations particulières, ainsi que des codes permettant de repérer les bibliothèques possédant l’ouvrage.

Naturellement, certaines bibliothèques échappent, pour ainsi dire, au contrôle de l’ICCU. Le catalogue de la Biblioteca Apostolica Vaticana ne fait pas partie du lot : avec un peu de patience et de bonne volonté vous pourrez vous connecter via Hytelnet à l’un des fonds les plus extraordinaires [telnet: librs6k.vatlib.it]. L’association IRIS déjà citée propose aussi un choix de catalogues spécialisés très utiles.

D’autres projets intéressants concernant le livre ancien sont menés par la Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze, qui est aussi l’agence italienne de bibliographie. Ils concernent la numérisation des catalogues Palatino [http://www.bncf.firenze.sbn.it/Progetti/palatino/home_ing.htm] et Sacconi [http://www.bncf.firenze.sbn.it/Progetti/Sacconi/home.html], le premier constituant le noyau originaire des collections anciennes de cette biblithèque, tandis que le deuxième représente l’un des rares exemples de catalogation systématique du XIXe siècle, rédigé par l’un des "directeurs historiques" de cet établissement.

Le catalogue des éditions du XVIIe siècle de l’Istituto veneto di scienze, lettere ed arti, [http://www.ivsla.unive.it/seicento/seicento.htm] est désormais disponible sur le web. Il rassemble environ 800 "seicentine" à caractère essentiellement littéraire et historique, même s’il compte aussi quelques ouvrages scientifiques.

Plus ambitieux, et par conséquent pour le moment moins exhaustif, le projet "Libro antico" du consortium des bibliothèques napolitaines vise à rendre accessible les documents en entier, imprimés ou manuscrits, grâce à la numérisation complète de l’ouvrage.

Pour les passionnés de recherches d’archives, il est aujourd’hui possible d’interroger certains catalogues à l’adresse que vous trouverez dans les signets qui vous sont fournis. La liste des archives italiennes sur le WEB est longue, mais quelques unes seulement mettent leur catalogue à la disposition des internautes [http://www.leonet.it/culture/sm/ital1.htm]. Un index biographique des italiens est aussi disponible grâce à la clairevoyance commerciale de l’éditeur allemand K.G. Saur, qui offre au grand public l’accès à son World biographical index [http://www.biblio.tu-bs.de/acwww25u/wbi_en/], contenant des fiches très pratiques ou figurent les dates, le métier et les renvois aux biographies sur papier.

Faute de temps, je passe ici sur les sites réservés aux professionnels, c’est-à-dire ceux des associations italiennes de bibliothécaires, qui diffusent sur le web des revues et des bulletins spécialisés, ainsi que des mailing-lists, et qui traitent de temps en temps des problèmes de catalogage et conservation des fonds anciens : vous trouverez tous les renseignements nécessaires aux adresses figurant à la fin de cette communication.

En revanche, je m’attarderai un peu plus sur les projets mis en oeuvre par certaines universités italiennes. L’université de Udine, par exemple, propose un site web entièrement consacré au livre ancien; l’équipe de Libro antico [http://www.uniud.it/lettere/libroantico/sommario.htm] formée par des chercheurs et des bibliothécaires, propose une série de documents et de links relatifs à trois sujets précis: le livre ancien en bibliothèque, l’histoire du livre et des bibliothèques, les disciplines liées au livre. Le premier numéro d’un bulletin d’information est déja disponible à l’adresse du site [http://www.uniud.it/lettere/discipline/index.html].

Deux bases de données sont hébergées par le site de l’université de Florence: il s’agit de Nuovo Rinascimento http://www.meri.unifi.it/n-rinasc/pub/homepage.htm] et du Progetto Rospigliosi [http://www.uniud.it/lettere/discipline/index.html]. La première base, vouée essentiellement aux auteurs de la Renaissance, est née des efforts conjoints du Département d’Italien et du Département du Moyen-Age et Renaissance de l’Université de Florence et recueille des bibliographies, des concordances, des essais, des comptes rendus, du matériel didactique et, surtout, un choix très riche de textes de la Renaissance inédits ou peu connus. La base Giulio Rospigliosi se concentre, au contraire, sur un seul auteur, Giulio Rospigliosi, plus connu sous le nom du pape Clément IX, dont on célébrera en 2000 l’anniversaire de la naissance. Cette base nous a paru très intéressante parce qu’elle met à disposition du grand public non seulement les ouvrages littéraires et les livrets d’opéra du prélat - en cours de publication -, mais aussi parce qu’elle offre une documentation inédite très riche provenant des archives de Pistoia et de la correspondance du pape.

La bibliothèque de l’université de Florence étudie la catalogation d’un fonds de plus de 1700 cinquecentine.

Plusieurs projets en cours de réalisation concernent les incunables: à Milan, la bibliothèque et l’archive du chapitre metropolitain [http://www.promo.it/novantiqua/milano/catalogo.htm] a déjà mis à disposition une partie de son catalogue d’incunables et, apparement, la bibliothèque Ambrosiana fera de même.

En outre, le laboratoire de bibliographie ARUB (Archivio Umanistico Rinascimentale Bolognese) [http://arub.unibo.it/] est en train de mettre en oeuvre une base de données sur les caractères typographiques des imprimeurs d’incunables bolonais. Quelques échantillons des ces alphabets numérisés, ainsi que des annales et des biographies des imprimeurs sont déjà disponibles. Ce même site propose aussi un inventaire de copistes bolonais du XVe siècle, tandis que le département d’astronomie de l’université de Bologne abrite une base de données relatives aux ex-libris astronomiques [http://arub.unibo.it/].

 

Il est pratiquement impossible de rendre compte de la myriade de petit projets locaux, concernant les bibliothèques des fondations, des institutions religieuses, des associations, projets qui restent souvent à l’état d’essais. C’est peut-être ici le véritable et grand problème des ressources italiennes: beaucoup d’idées, beaucoup des livres, beaucoup de fonds anciens, mais trop souvent peu d’argent et de coordination entre les différentes institutions.

 

Autres sites intéressants


Librairies d'antiquaria
Associazione Librai Antiquari d'Italia : http://www.dada.it/alai/
Associazioni di librerie antiquarie :
http://www.alice.it/bookshop/grp.bks/aslibant/htm
Mare Magnum :
http://www.maremagnum.com/


Associations de bibliothécaires
AIB-Notizie  : http://www.aib.it/aib/editoria/aibnotizie.htm
AIB. Sezione Toscana. Bibelot:
http://www.aib.it/aib/sezione/toscana/bibe9901.htm
DBA  :
http://www.dba.it
EasyWeb :
http://www.easyweb.firenze.it
Biblioteconomia digitale :
http://spbo.unibo.it/bibriso/bidi.htm
Bibliotime. Rivista elettronica per le biblioteche :
http://spbo.unibo.it/aiber/bibtime/num-ii-1/index.html
I libri per la professione: il bibliotecario :
http://www.alice.it/library/lawlib/bibliobi.htm
WWW italiani per bibliotecari :
http://www.cilea.it/Virtual_library/cwib/


Bibliothèques
OPAC italiani : http://www.aib.it/aib/lis/opac1.htm
Firenze Libraries :
http://www.firenze.net/biblio/
Biblioteca Nazionale di Roma :
http://www.beniculturali.it/librari/bncrm/italiano/pagine/home.htm


Bibliophilie
ExLibris Archives : copertina.html à www.bo.astro.it
Arte del libro: La legatura bolognese fra XV ...  :
http://arub.unibo.it/legature.html
Le filigrane degli archivi genovesi :
http://linux.lettere.unige.it/briquet/

Musées
Institute and Museum of History of Science - : http://galileo.imms.firenze.it/
Museo Bodoniano :
http://www.comune.parma.it/turismo/mu-bo.htm

Virtual Libraries
Virtual Library Cilea : http://www.cilea.it/Virtual_Library/
Liber Liber :
http://www.liberliber.it
ItalianLiterature in HTML :
http://www.crs4.it/HTML/Literature.html
RestauroVirtuale :
http://www.bncf.firenze.sbn.it/Progetti/Restauro_Virtuale/prehome.htm

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