Ouvrages néo-latins imprimés en Scandinavie de 1530 à 1800 : The Database of Nordic Neo-Latin Literature
par Ivan BOSERUP (Copenhague, B. Royale ; mail : nib@kb.dk ; page Web perso. : http://www.mtp.dk/pers/boserup/ivan/).



Présentation d'une base sur le web, de consultation gratuite, concernant les publications scandinaves en latin, publiés entre 1530 et 1800, la Database of Nordic Neo-Latin Literature. La base a été établie comme un instrument de travail pour chercheurs dans le cadre d'un programme de recherche sur la littérature néo-latine dans les pays scandinaves, avec le soutien du Fonds de Recherche du Conseil Nordique. Pour permettre des recherches littéraires et historiques spécialisées, le niveau de catalogage est sensiblement plus détaillé que dans les bases bibliographiques ordinaires.

Adresse Internet: http://www.uib.no/neolatin (interface en anglais).

La base contient actuellement 2.500 notices, surtout des textes publiés avant 1650.
Il faut que je dise immédiatement que cette base n'est pas mon bébé. Je n'ai redigé aucune des notices qui s'y trouvent. J'ai participé un peu, il y a 13 ans, à la planification de cette base, mais je n'ai jamais eu la responsabilité de son contenu. Bien sûr, j'ai demandé la permission à celui qui en a la responsabilité aujourd'hui, de vous signaler l'existence, depuis 4 ans, de cette base gratuite, sur le web.

En bref, il s'agit de livres en LATIN, publiés en SCANDINAVIE (ou par des scandinaves), ENTRE 1530 ET 1800. Je vais faire, pour commencer, un bref survol de la base et de la manière de la consulter. Ensuite, je présenterai quelques aspects importants, à mon avis, de ce projet.

La page d'accueil débute avec un logo très bien choisi :

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C'est une illustration tirée du roman néolatin assez connu de Ludvig Holberg, Le voyage souterrain de Niels Klim, 1741, traduit par la suite non seulement en danois, mais également dans les autres langues importantes du monde. C'est l'illustration parfaite de l'internaute, avec sa perche, perdu dans le cyber-espace.

Vous trouverez sur le site une description du contenu et du format de la base, une page d'aide, une bibliographie assez longue, des cartes de la Scandinavie avec les noms des villes importantes en latin et en vernaculaire, ainsi qu'un essai, par feu le Professeur Iiro Kajanto, de l'université d'Helsinki, sur l'unité et l'individualité de la Scandinavie vis à vis du reste de l'Europe, de la Réforme à la fin du 18eme siècle.

Je ne m'attarderai pas à mille exemples de recherches possibles. La base est accessible sur le web, sans mot de passe. Je ne montrerai qu'un exemple, choisi au petit bonheur.
Il s'agit de l'historien danois PONTANUS, dont il faut écrire le nom dans le casier Freetext Search du formulaire de recherche. Cela donne une liste de notices, dans laquelle nous trouvons la RERUM DANICARUM HISTORIE de 1631.
Vous cliquez sur ce titre, et voilà la notice. Vous voyez que la description rend compte d'une manière assez exhaustive de tous les élements textuels contenus dans l'ouvrage en question. Poèmes, auteurs secondaires normalisés, personnes dédicacées, genre métrique des poèmes de dédicace, incipits de divers éléments textuels, etc. etc. Et ce n'est pas - loin de là - la plus longue notice.

Ce n'est pas du catalogage MARC. L'on décida, jadis, que le format MARC ne pouvait tenir compte des informations d'ordre textuels, historiques, littéraires et prosopographiques que l'on voulait inclure dans cette base. L'on établit donc un format en 38 champs, dont vous voyez ici une partie.

 

Voilà, brièvement, pour la base. Je voudrais à présent faire quelques remarques supplémentaires.

Cette base est le fruit d'une collaboration entre 5 pays scandinaves. De gauche à droite, sur une carte: l'Islande, la Norvège, le Danemark, la Suède, la Finlande. Ce projet inter-scandinave a été financé pendant 5 ans, 1987-91, par la fondation pour la recherche du Conseil Nordique ("Nordisk Råd"). La base continue à être alimentée, car elle n'est pas complète, loin de là. On en est aujourd'hui aux alentours de l'année 1650.

L'élaboration de la base était un élément central dans un projet plus vaste destiné à stimuler les études néolatines en Scandinavie, projet qui a déjà donné lieu à un assez grand nombre d'études spécialisées, ainsi qu'à un grand ouvrage collectif sur la littérature néolatine scandinave.

La base de littérature néolatine, mise en œuvre dès le début du projet, avait donc pour but de fournir les informations nécessaires aux chercheurs pour leurs travaux de recherche sur une littérature et une culture plus ou moins oubliée. Oubliée, c'était un des arguments avancés, entre autre parce que les catalogues de bibliothèques et les bibliographies nationales scandinaves ne rendaient pas du tout justice à la richesse et à la diversité de cette partie du patrimoine imprimé. Il s'agissait donc d'établir un instrument de recherche pour les chercheurs avides d'informations inédites, plutôt que d'affiner un peu cet outil pratique et pragmatique, le short-title-catalog, ou very-short-title-catalog, c'est-à-dire l'inventaire sommaire auquel s'était arrêté la pratique bibliothècaire jusque là.

Dans cette base, un petit poème laudatif en latin tiré d'un grand ouvrage de 500 pages en danois ou en suédois, donne lieu à une notice détaillée selon les points de vue littéraires et historiques que j'ai mentionnés. La base est donc une conséquence de la misère des catalogues élaborés par les bibliothécaires - et je ne parle ici, bien sûr, que de la Scandinavie ! L'on a donc dans ce projet fait le choix d'essayer d'élaborer une base bibliographique adéquate pour les historiens et les historiens de la littérature, non pas les historiens du livre, des bibliothèques, des collectionneurs etc. etc. D'où le format, qui n'est pas un format MARC, et qu'il serait assez difficile de convertir en MARC. Il faut aussi dire que la base a été élaborée non pas par des bibliothécaires, mais par des chercheurs, c'est-à-dire par les utilisateurs dans l'immédiat et dans le futur de cette base.

Que faut-il penser d'un tel projet? Utile? Certes, mais fort limité, et fort mal intégré, peut-être, dans le monde de l'information bibliographique. Nous avions pourtant fort bien accuelli ce projet à la Bibliothèque Royale de Copenhague, où le travail a démarré, mais je dois avouer qu'à l'époque, le risque me semblait grand que cette base ne dépasse jamais la limite des bureaux de 2 ou 3 chercheurs. Ne valait-il pas mieux intégrer ce projet d'histoire littéraire néolatine dans les programmes de catalogage des bibliothèques nationales de 5 pays en question, quitte à abandonner certaines des demandes extrêmes de ces chercheurs indisciplinés?

La base fut établie, et - heureusement - enfin le web vint! La base put donc être publiée, à très petits frais, en Norvège, à l'université de Bergen, et mise à disposition globalement.

C'est bien, mais qui, dira-t-on, à juste titre, va l'utiliser? Elle se perdra à coup sûr parmi tant de grandes bases nationales ou commerciales.

Je crois qu'il faut peut-être penser autrement. Après tout, le web n'en est qu'à son enfance. Nous voyons aujourd'hui de très grandes bases bibliographiques, avec des millions et des millions de notices, mises sur le web. Vous en avez eu aujourd'hui plusieurs présentations surprenantes et très convaincantes. Ces outils simples et gratuits sont d'une importance énorme pour la recherche. Aujourd'hui encore, elles fonctionnent d'habitude moins bien que les CD-ROM, et moins bien aussi, à strictement parler, que lorsque on consulte les mêmes bases en ligne (telnet), mais la gratuité et l'accessibilité universelle du web est largement gagnante dans la concurrence des protocoles et des interfaces.

Mais le web a encore d'autres possibilités, qui commencent à peine d'être utilisés, et qui peuvent, peut-être, légitimer l'existence de petites bases bibliographiques très specialisées, faites par et pour des groupes de recherche assez restreints. Nous sommes tous capables d'entrevoir qu'un jour, sur le web, nous pourrons voir une page de titre d'un livre ancien ou une page d'un manuscrit liée par un lien hypertexte à une notice bibliographique. Aujourd'hui, Julianne Simpson nous a montré le format d'un tel lien, et Marianne Dörr nous en a donné des exemples déjà entièrement réels.

Ce que je voudrais souligner, c'est qu'un tel lien vers une image peut être un lien vers n'importe quoi d'autre sur le web, par exemple un lien direct vers une notice-soeur dans une autre base, une notice-soeur qui développe un aspect spécifique d'une notice, que ce soit en MARC ou dans n'importe quel autre format bibliographique, tant que nous sommes sur le web, c'est-à-dire sous le parapluie de certains protocoles.

Imaginez, je vous prie, le jour ou les œuvres completes de Kant, de Hegel, de Kierkegaard, et de Heidegger seront sur le web. Jour funeste d'un certain point de vue, peut-être, mais quand même ! Ce ne sera pas alors sous forme de pages web ordinaires (HTML), mais sous forme de texte dans des bases accessibles par web. Chacun de ces messieurs, chacun peut-être avec un corpus de commentaires, se trouvera sans doute dans une base à part, chacun sa ville : à Koenigsberg, à Berlin, à Copenhague, à Freiburg, n'est-ce pas? Dans ces bases, on peut se l'imaginer dès aujourd'hui, quand Kierkegaard fait référence à Hegel, ou quand Heidegger fait référence à Kant, ce ne sera pas une référence "morte", mais un lien hypertexte, qui vous dirigera directement au passage en question de l'autre philosophe, dans la base de l'autre corpus.

Avec le développement rapide de la bibliographie, de l'histoire du livre, de l'histoire littéraire etc. etc., il y a deux chemins à prendre pour les gérants des systèmes d'information bibliographique dans le sens large du mot. Soit il faut faire des notices de plus en plus élaborées, et développer encore plus un format unique qui puisse intégrer, en principe, toutes les informations dont peuvent avoir besoin les chercheurs d'aujourd'hui et de demain. Soit il y aura aussi un développement contraire, favorisé par les techniques inhérentes au web, avec une pluralité de bases interconnectées, chacune avec un format et des modalités de recherche optimisées en vue d'un aspect particulier de cet objet infiniment pluridimensionel qu'est un livre ou un manuscrit.

J'aurais voulu, bien sur, pouvoir montrer un exemple concret sur le web de ce dont je parle ici, mais il m'a semblé que la petite base néolatine scandinave, dans toute son innocence, pouvait servir de point de départ à une réflexion peut-être utile sur les méthodes à choisir aujourd'hui, au début de l'ère du web. Faut-il se ralier sans équivoque, sinon avec fanatisme, à l'idéologie d'une notice de bibliograhie nationale unique, ou faut-il également favoriser l'établissement et la publication de notices et de bases spécialisées, qui dans un avenir peut-être proche pourront, sur le web, être reliés entre elles et constituer, pour ainsi dire, des micro-réseaux de catalogues hybrides mais néanmoins intégrés dans le cyber-espace par des liens hypertextes explicites ou implicites. Quand j'y réfléchis, je ne trouve pas que la réponse est tout à fait facile à donner, et je me sens un peu comme Niels Klim, derrière moi, tombant dans le gouffre et ne sachant pas ou s'accrocher.

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